28 octobre 2012

DOSSIER: LUCA TURILLI'S RHAPSODY


« Après 20 ans à bosser ensemble dans cette aventure incroyable qu’était Rhapsody, la situation actuelle n’est pas si étonnante. Après tout, combien de groupes dans le monde du Metal et même dans l’industrie musicale en général ont été capables de garder le même line-up pendant 20 ans comme nous l’avons fait Alex, Fabio et moi en tant que compositeurs principaux ? »


C’est sur ces mots que commence mon entretien avec le guitariste Luca Turilli, échappé de l’aventure Rhapsody Of Fire afin de former sa propre version du combo intitulée Luca Turilli’s Rhapsody tandis que ses compères Fabio Leone (chant) et Alex Staropoli (claviers) continuent leur aventure dans la première monture du groupe. Dur à suivre ? Surement pas pour Luca qui vient tout juste de sortir le premier album de ce nouveau combo « Rhapsodien », un manifeste surprenant, tranchant quand même pas mal avec son ancien groupe. « Ascending To Infinity » propose avec ses 8 morceaux une revisite de la musique de Rhapsody Of Fire, rendant à nouveau attractive cette dernière  qui semblait commencer à tourner en rond. « Il nous fallait finir cette saga, c’était la priorité, nous ne voulions pas laisser tomber ce qui avait été commencé tant d’années plus tôt. »

Pouvions-nous vraiment voir venir la situation dans laquelle se trouve le groupe aujourd’hui ? Difficile à dire. Pourtant, en réecoutant leurs deux derniers albums, nous pouvions sentir cette envie d’innover, l’arrivée de structures musicales plus agressives, violentes, différentes de ce que Rhapsody savait proposer était un signe de bonne foi d’un groupe voulant prouver qu’il n’était pas que ce qu’il avait laissé voir toutes ces années. L’essoufflement se faisait peut-être sentir quand on y repense, l’effort était louable, mais avait-il totalement convaincu ? « Nous en parlions avec Alex, il fallait qu’on arrive à ces 10 albums, il fallait qu’on insiste. Malgré les problèmes juridiques, tous les ennuis qui nous sont tombés dessus, nous nous sommes toujours relevés et avons fait ce que nous devions faire. » 

 « Cette saga s’est terminée avec The Frozen Tears Of Angels et From Chaos To Eternity, nous sommes de mon point de vue l’un des seuls groupes au monde à avoir réussi à créer une telle saga musicale tenant sur dix albums, l’amener à son terme. Dès que c’était terminé, il n’y avait aucune raison de ne pas continuer. Mais je voulais faire quelque chose qui ne correspondait plus à ce que Fabio et Alex souhaitaient réaliser, ça n’aurait pas collé et surement pas donné quelque chose de bon, même si la motivation était présente pour que nous restions ensemble. »  

Luca fera référence également durant notre entrevue aux multiples problèmes endurés par le groupe, telle l’obligation de changer le nom du groupe passant de Rhapsody à Rhapsody Of Fire. L’investissement personnel des finances des membres du groupe est aussi abordé, le guitariste tenant à rappeler que le combo ne serait plus là si chacun n’y avait pas mis tout ce qu’il avait. Ce dernier parle de son aventure comme celle d’une équipe soudée et prête à tout afin d’obtenir le résultat escompté avec le début de leur saga musicale.  Quitte à faire de très lourds sacrifices…

« Il était important pour moi que les deux groupes soit liés, c’est pour ça par exemple que le logo du groupe est présent dans les deux versions de ce dernier. Que nous puissions être reconnus pour ce que nous sommes, c’est-à-dire, Rhapsody. »  Luca insiste bien sur le fait que les deux groupes ont les mêmes possibilités d’investissement, un bon gros 50/50 en somme, chacun suit une route différente mais les deux finissent par se rejoindre à un point qui restera inconnu des fans et qui est surement la source de l’incompréhension quant à ce « split » qui n’en est pas vraiment un.  Il faut se l’avouer, la situation est dérangeante, car ce n’est pas un secret, Luca était la pierre angulaire de Rhapsody Of Fire, c’était sa touche qui permettait au groupe de briller, son investissement qui menait à ce que nous avons pu écouter du groupe ces 15 dernières années. 

« Je ne sais pas ce que fera Rhapsody Of Fire, comme je le disais, Fabio et Alex ont des idées différentes des miennes et je pense donc que leur prochain album contiendra son lot de nouveautés. Regarde ce que je fais avec Ascending To Infinity, ce que j’appelle le Cinematic Metal, nous retrouvons les bases de ce qui faisait le groupe, mais ça reste quand même bien différent. Je pense que l’impact sera le même avec le nouvel album de Fabio et Alex. »

Il faut bien comprendre une chose, nous sommes face à Rhapsody quoique nous écoutions, tout comme nous serons face à Rhapsody quand le nouvel album mené par les anciens camarades de Luca sortira. Pour bien piger ce dont il en retourne je pense que la phrase : « Deux visions, un groupe. » peut convenir.



Mais la vraie question demeure, que vaut ce premier album de Luca Turilli’s Rhapsody ? Cet « Ascending To Infinity » qui semble promettre un renouveau, un nouveau style appelé le Cinematic Metal ? Le plus surprenant n’est pas le fait que la promesse est tenue, mais qu’un petit retour aux sources semble être de la partie, ce nouvel album rappelant sous certains aspects le premier album du groupe, à savoir « Legendary Tales ». Comme l’explique Luca, c’est un peu la marche à suivre que nous pouvions constater depuis les débuts, le groupe ayant pris l’habitude de sortir un album très symphonique avant de dévier vers des structures plus agressives sur ses suites. Il suffit de voir l’enchaînement « Legendary Tales + Symphony Of Enchanted Lands + Dawn Of Victory » pour constater que le raisonnement du guitariste se tient. Est-ce un presqu-aveu que le prochain album suivra ce schéma ? L’avenir nous le dira. En attendant, on ne peut pas nier que ce nouvel opus est bel et bien symphonique à souhait, pour notre plus grand plaisir.

Cependant, pas mal de nouveautés se font sentir, et nous notons surtout l’intégration de plusieurs nouvelles sonorités pour la plupart orientales comme nous pouvons l’entendre sur les deux premiers morceaux (ndlr : « Quantum X » et le titre éponyme « Ascending To Infinity ») ainsi que sur la masterpiece « Dark Fate Of Atlantis ». Le visage de cet album se veut aussi plus spatial, plus « futuriste », la production est assez aérienne semblant être réalisée dans l’optique d’emmener l’auditeur encore plus loin qu’avant.  L’effet fonctionne puisque cela faisait depuis bien longtemps que Rhapsody n’avait pas autant transporté. 

Riche, très (trop ?) riche même, Luca nous emmène un peu partout, ça sonne néoclassique puis baroque, avant que de grands délires épiques parsemés un peu partout viennent nous embarquer dans l’aventure que Turilli veut nous faire vivre. Le rôle des claviers est primordial dans cette nouvelle galette tant ces derniers façonnent ce visage très aérien, spatial et ouvert que Luca offre à l’auditeur : « Je ne sais pas pourquoi j’ai commencé la guitare, j’aime en jouer certes mais je préfère encore plus le piano ou les claviers ! Je ne me considère même pas comme un bon joueur de guitare (ndlr : Bah voyons.), ni même un bon joueur de piano, mais c’est simple, je voulais faire les deux sur cet album, me faire plaisir et surtout aller là où je souhaitais aller. Vers quelque chose d’épique principalement, c’est ça le Cinematic Metal, c’est l’art d’allier ce que je faisais avant avec Rhapsody Of Fire avec des parties épiques issues de B.O de films. J’ai toujours adoré les B.O, il n’y a pas grand-chose qui peut te faire plus rêver qu’une B.O bien composée. »



Luca se considère comme un compositeur, il le répètera plusieurs fois durant l’interview. Cet Ascending To Infinity sonne comme un « From Chaos To Eternity » allié aux deux premiers albums du combo cité plus haut.  Toute cette recette mixée avec des passages rappelant une B.O de film, emportant son spectateur dans l’aventure qu’il regarde sur grand écran. Mention spéciale également au chanteur engagé pour cette « nouvelle » aventure, Alessandro Conti qui accomplit un boulot remarquable en étant proche et à la fois éloigné du vocaliste qu’est Fabio Leone. Avec lequel d’ailleurs Alessandro pourra partager un point commun, celui d’avoir une prononciation un peu hésitante au niveau de l’anglais dans son chant, comme aux débuts de Fabio. Le titre « Tormento E Passione » chanté intégralement en Italien est une vraie leçon vocale pour quiconque posera l’oreille dessus. Conti module comme rarement il est possible de l’entendre, particulièrement sur ce morceau certes, mais ce dernier n’est pas en reste sur l’intégralité de l’album, surprenant son monde et devenant surement la pièce maîtresse de cette nouvelle œuvre signée par Luca. « Il me fallait quelqu’un pouvant jouer sur différents tableaux, quelqu’un qui pouvait s’adapter à tout ce qu’on pourrait proposer et Alessandro répondait à ce profil ! Il pouvait reprendre les titres chantés par Fabio dans Rhapsody d’une telle manière, c’était impressionnant, il monte tellement haut, je savais que j’avais trouvé le chanteur qu’il me fallait. »

Les thèmes de l’album sont aussi différents des anciens travaux réalisés par Luca qui part cette fois vers quelque chose de plus scientifique et surnaturel à la fois, Luca tenait à construire plusieurs concepts comme il nous l’a expliqué lors de cette entrevue. « Je ne voulais pas d’un album qui ne traiterait que d’un seul sujet, par exemple les chansons Quantum X, Ascending To Infinity et Dark Fate Of Atlantis traitent de cette idée qui met en valeur le fait que plusieurs mondes cohabiteraient dans notre univers.  J’aborde aussi le sujet des choses inexplicables issues de notre passé, de notre présent, il y a tellement de choses dans l’univers qu’on n’explique pas, que je souhaitais mettre en valeur cet état de fait. Toutes les énigmes sur terre en quelque sorte, la religion au Moyen-Âge, les groupuscules obscurs, tout ça est traité par exemple. Je me suis aussi intéressé à la vie quotidienne, les effets qu’elle a sur nous, comment nous la vivons. La relation entre la raison, l’animal et son instinct m’a aussi intéressée et est utilisée dans cet album. C’est vraiment différent des thèmes abordés dans les anciens opus. »

Vous l’aurez compris, ce nouveau Rhapsody, puisque s’en est un si nous suivons la logique de Luca, marque un tournant, réutilisant les bases de ce qui a fait le succès du groupe et y ajoutant des nouveautés non négligeables qui donnent une nouvelle inspiration à la musique jouée depuis déjà près de 20 ans par son guitariste et compositeur fétiche.

A l’écoute, rien ne vous semblera si nouveau que ça et pourtant le Cinematic Metal lancé par Luca prend tout son sens, rendant la musique de Rhapsody plus envoûtante et épique qu’elle ne l’a jamais été.  Chaque morceau possède son propre visage et offre à l’auditeur une facette émotionnelle différente à chaque fois. On ne s’ennuie pas malgré la dose d’informations à engranger durant l’écoute qui parait paradoxalement assez courte.

Un très bon album donc, à se procurer au plus vite si vous aimez les grandes épopées. 

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